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01/02/2015
Les événements de janvier 2015 sont encore dans ma mémoire - Auteur : Boniface
Comme des milliers d’humoristes, comme des milliers de dessinateurs, de journalistes, comme des milliers d'écrivains, comme des milliers d'êtres humains, je suis encore sous le choc.Alors aujourd'hui, parce qu’elle persiste depuis un mois, je désire vous dire ma colère.
Au boulot, je suis consultant. Sur scène, je suis « Boniface le Chansonnier ».
Je le clame depuis des années aux publics qui viennent partager quelques moments de bonheur avec moi : je pense que nos meilleures armes face à la bêtise et à la violence restent les dessins, les chansons, les images et les mots.
Non pas que je soutienne aveuglément tous les dessins parus dans Charlie Hebdo. Mais je soutiens l'idée. L'idée qu'on puisse rire de tout, l'idée qu'on ait le culot de dire ce que l'on pense.
L'idée et la volonté de secouer les consciences au péril de sa vie.
Les armes, la violence et les coups de gueule sont les arguments des faibles. On frappe, on blesse, on tue quand on se sent acculé, quand on n'a plus d'arguments.
Les faibles ont frappé le mercredi 7 janvier 2015. Qui sont-ils ? A quelle religion appartiennent-ils ? Qu'ont-ils revendiqué ? Peu m’importe : le constat est sans appel : trop de morts inutiles.
Se soucier de leurs revendications, ce serait leur donner bien trop d'importance, et donner de l'importance à des faibles, ce serait renforcer l'idée selon laquelle notre monde va mal.
Evidemment que lorsqu'on entend pareille nouvelle, on se dit qu'il ne va pas bien...
Sauf que c'est justement ce que ces faibles veulent qu'on pense. Ils veulent semer la terreur pour nous cadenasser dans du "culturellement correct".
Et moi, aujourd‘hui, je ne désire pas leur donner ce plaisir.
En France, quelques jours après, la presse se sent en danger ; les humoristes ont peur du lendemain ; les écrivains aussi se demandent s'ils peuvent encore tout écrire ; si l'on peut rire de tout.
« Peut-on rire de tout ?" Cette question posée par Cabu disparu dans l'attentat me touche. D'autant plus que je suis l’auteur de sketchs qui se moquent ouvertement de la mort.
Je persiste et signe : IL FAUT POUVOIR RIRE DE TOUT. Même quand ça fait mal... Surtout quand ça fait mal. C'est le seul moyen de survivre. Les mouvements de solidarité et de soutien qui éclosent un peu partout dans le monde le prouvent : idéologiquement Cabu, Wolinski et les autres ne sont pas morts. Au contraire, ils ont réveillé les consciences.
De grands hommes comme Villon, Rutebeuf, Voltaire, Diderot, Zola se sont battus avant Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré... Les uns comme les autres ont combattu la censure et la barbarie. La sentence était souvent la même pour qui se faisait prendre : la mort.
C'est grâce à eux que je me réveille aujourd'hui avec l'impérieuse nécessité de continuer à suivre leurs traces. Je n'ai pas un millième de leur impact médiatique et intellectuel, mais je continuerai à écrire des textes qui interpellent, qui ne font pas plaisir à tous, mais qui font rire. Parce que j'estime que c'est mon devoir. De fou du roi. D'écrivain. De libre-penseur. De citoyen. D'humain.
Que l'on adhère ou non à l'esprit de Charlie Hebdo, c'est indéniable : la liberté d'expression en a pris un coup. Et la grande famille des libre-penseurs et des fous du roi aussi. J'espère qu'ils m'entendront où qu'ils soient : je leur dis merci de m’avoir tracé la route et leur promets qu'avec mes petits moyens d’humoriste et de chansonnier, je continuerai à honorer leurs combats.
Boniface,
Chansonnier
11 février 2015